Théâtre d’Aujourd’hui

Conversations avec Siri

Sur scène : une comédienne. Deux voix. La sienne. Et celle de Siri. Dans un spectacle inédit mettant en scène une femme et son téléphone, le Théâtre d’Aujourd’hui propose ces jours-ci une réflexion à la fois ludique et existentielle sur notre rapport à l’intelligence artificielle.

SIRI, d’abord créée dans le cadre de l’OFFTA en 2015, présentée au FTA l’été dernier, puis recréée dans les derniers mois (parce que Siri est ainsi faite qu’elle ne respecte jamais un script précis, mais évolue avec le temps), est le résultat d’un travail acharné de centaines d’heures, passées par ses créateurs à interroger et interroger encore un iPhone. Quel est le meilleur restaurant près d’ici ? Es-tu une machine ? Mais aussi : Siri, quel est le sens de la vie ?

Des qualités humaines

C’est d’ailleurs la question pour laquelle laquelle Siri propose les réponses les plus variées : le chocolat, 42, un film de Monty Python. Parce que oui, Siri est intelligente (quoiqu’artificiellement) et a surtout un sacré sens de l’humour. « Tel utilisateur, tel assistant ! », dit-elle.

« Siri a été créée pour faire un pont entre la machine et l’utilisateur, analyse le coauteur et metteur en scène Maxime Carbonneau, rencontré quelques jours avant la première. Pour libérer les mains de l’utilisateur. Mais on lui a injecté des qualités humaines : de l’humour, de la répartie. »

C’est ce qui en fait un « personnage » aussi fascinant.

« On se projette en Siri. Ses silences, ses absences de réponses. Comme avec tout ce qui est vivant. On fait de l’anthropomorphisme. »

— Maxime Carbonneau, coauteur et metteur en scène de SIRI

Un anthropomorphisme qui soulève une foule de questions éthiques : « Est-ce qu’un jour, on va octroyer à l’intelligence artificielle des droits, comme aux autres entités humaines ? Et nous, sommes-nous moins humains parce qu’on a une voix de synthèse, comme Stephen Hawking ? Quand est-ce qu’on arrête d’être humain ? »

Et si on avait besoin de Siri ?

Et Siri, elle, que deviendra-t-elle avec le temps ? Si, parfois, on a cette impression, certes désagréable, de s’adresser à un porte-parole d’Apple (essayez de lui demander quel est le meilleur téléphone, pour voir), reste que la petite voix est aussi capable d’empathie. « C’est une amie fidèle, elle ne juge pas. Peut-être qu’on a besoin de ça. Quelqu’un qui est là et qui ne nous quittera pas… »

Contrairement à d’autres, Maxime Carbonneau se défend ici de juger ou condamner Siri. Bien au contraire. « Oui, c’est une machine, concède-t-il, mais quand on lui parle, on ne voit pas les programmeurs derrière. » En quoi une relation avec une machine serait-elle « meilleure ou pire » qu’une relation avec un être humain ? demande-t-il. « Nous aussi, on est programmés. Programmés par notre éducation, nos parents, les films, les livres, ce qu’on nous a dit qui se faisait ou ne se faisait pas. Tout comme Siri… »

Son souhait ? Que les spectateurs sortent du théâtre en se questionnant sur Siri. « Être curieux de Siri, ça revient à être curieux de nous-mêmes. »

SIRI est présentée jusqu’au 4 février à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui. Texte et mise en scène : Maxime Carbonneau. Texte et interprétation : Laurence Dauphinais.

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